L'Instant Philo : La représentation du temps dans la chanson populaire

08 août 2021 à 09h55 - 2224 vues
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La représentation du temps dans la chanson populaire

La représentation du temps dans la chanson populaire

Introduction

Pour cette seconde émission de l’été, je propose un petit parcours sur ce que les chansons populaires nous disent de notre rapport au temps. Les perspectives y sont certes diverses et de qualité variable mais j’aimerais montrer qu’on y trouve souvent matière à réflexion. La chanson populaire sait notamment plutôt bien décrire l’aspect destructeur et dévorant du temps. Elle est habile aussi à chanter le temps du bonheur, de l’espoir et de l’amour. Enfin la nécessité de prendre soin du temps présent n’est pas absente non plus des chansons qui explorent ainsi le temps dans ces trois dimensions : le passé, le présent et le futur.  

https://www.youtube.com/watch?v=JwYX52BP2Sk

Quand la pop music aborde le temps de l’horloge à la manière des Pink Floyd dont nous nous venons d’écouter un extrait du célèbre morceau Time, la représentation de la durée prend un aspect réaliste, technique, froidement répétitif et pourtant envoûtant.

  1. Le temps qui court, le passé et la mélancolie

Dans cette composition des Pink Floyd, on remarque que le temps mesuré, symbolisé par le rythme impersonnel et triomphal des horloges fait assez vite place à des considérations sur le temps, vécu comme un déclin progressif. A la fin de ce titre, les thèmes plus classiques de la vanité et de la fragilité de l’existence contrastent avec la régularité implacable du battement de la trotteuse des secondes qu’on entend au début.[i] La mélancolie et la nostalgie produites par le temps qui passe nourrissent souvent les chansons populaires. En 1973, la même année que les Pink Floyd, Alain Chamfort, pour donner un autre exemple, se fait remarquer avec une chanson dont voici le refrain 

Alain Chamfort : Le temps qui court  

https://www.youtube.com/watch?v=N1YrTl0Fgpc :

Avec ce titre, Alain Chamfort est, si je puis dire, dans l’air du temps des années soixante-dix qui opposait bien volontiers l’âge d’or de l’enfance à l’âge adulte bien trop sérieux, plein de concessions et par conséquent moins heureux.

Reste que le temps qui court, ne nous conduit pas seulement à l’âge adulte, il finit un jour par nous retirer la perspective même d’un avenir quand la vieillesse arrive. Et cela arrive, comme le chante Charles Aznavour, sans qu’on ait vu le temps passer :   

Charles Aznavour : je n’ai pas vu le temps passer :  

https://www.youtube.com/watch?v=SObDQoTCnuI :

La mélancolie, déjà présente dans les deux extraits précédents est à son comble avec Léo Ferré qui souligne avec force la tristesse de la vieillesse qui est un deuil à faire de tout le passé sans autre perspective d’avenir que de devoir tirer sa révérence :

Léo Ferré : Avec le temps – du début à 1mn 11 jusqu’à « faire sa nuit » en baissant à partir de 1mn 08)

https://www.youtube.com/watch?v=ZH7dG0qyzyg

2. Temps, enthousiasme et avenir

Il ne s’agit pas de se complaire dans l’aspect le plus désespérant du temps. Notre temporalité est également celle des projets exaltants, des réussites, des amours et de ces « dimanches de la vie » qui sont synonymes de bonheur. Dans nos rapports différents à la durée : l’un est hanté principalement par le passé et nourri de souvenirs, l’autre est ouvert sur un avenir que nous attendons avec enthousiasme. Ces perspectives sur le temps sont d’ailleurs le plus souvent intimement liées à notre situation concrète dans l’existence humaine, c’est-à-dire à notre âge. Le poids du passé, la nostalgie et les regrets finissent par se faire sentir de plus en plus au fur et à mesure que la vieillesse s’installe car le présent devient difficile et le futur se rétrécit comme peau de chagrin. A l’inverse, la joie communicative face à l’avenir est habituellement typique de la jeunesse. Au début de sa carrière, Johnny Halliday a ainsi su chanter l’enthousiasme d’avoir la vie devant soi :

Johnny Halliday : Pour moi la vie va commencer :  

https://www.youtube.com/watch?v=YTJoJRTb0L8  

Comme le souligne avec conviction Angèle dans une chanson qui date d’à peine trois ans, la sinistrose qui empêche de se projeter avec espoir dans la vie est mal venue, surtout quand on a le sentiment que les promesses de l’avenir nous tendent la main. Alors dans ces conditions, l’oubli est d’autant plus utile et facile que les souvenirs de bonheur sont encore des pages blanches à remplir.  

Angèle : Tout oublier :

https://www.youtube.com/watch?v=Fy1xQSiLx8U

 

A rebours du constat amer d’une impuissance de la vieillesse, l’appétit de vivre de la jeunesse s’exprime donc clairement. On affaire alors à deux visions sans doute très complémentaires de notre rapport au temps mais peut-être aussi excessives l’une que l’autre. Dans l’enthousiasme pourtant si essentiel de nos 20 ans, Françoise Hardy suggère que se cache en effet peut-être l’illusion d’une toute puissance.    

Françoise Hardy : Le temps de l’amour :

https://www.youtube.com/watch?v=ITYVXUvMtHI

3. La valeur du temps présent

Faut-il croire que nous sommes tant obsédés par le passé et si fascinés par l’avenir que nous oublions que le temps dans lequel nous vivons est d’abord le présent. Barbara rappelle que c’est l’irréversibilité qui fait non seulement la valeur du présent mais également tout ce temps perdu à jamais. (19 secondes)

Barbara : Dis quand reviendras-tu ? 

https://www.youtube.com/watch?v=2y_aQ5ZLcR4

Compte tenu de l’irréversibilité de la durée et de notre mortalité, il faut savoir profiter de tout le temps qui reste, quel que soit l’âge que nous avons. Pour Serge Reggiani, bien proche de la philosophie d’Epicure, notre seul pays est la vie terrestre et savoir en jouir consiste à cueillir tous les plaisir du jour qui se présente à nous. Carpe diem !

Serge Reggiani : le temps qui reste

https://www.youtube.com/watch?v=8mQiRFgOiWQ

Conclusion

Peut-être finalement pourrons-nous vraiment nous sentir sereins et ouverts au monde, quand nous pourrons vivre sans songer constamment que le temps passe et qu’avec lui  c’est nous qui passons. Ou bien - ce qui revient sans doute au même – nous pourrons peut-être accéder à une sorte de félicité contemplative si le temps nous oublie, nous ignore et nous laisse regarder ce qui se passe de façon détachée comme le chante Dominique A.

Dominique A. : le temps qui passe sans moi

https://www.youtube.com/watch?v=CciCcEqDcuA 

[i] The sun is the same in a relative way but you’re older                                                                                                  Shorter of breath and one day closer to death                                                                                                                  Every year is getting shorter, never seem to find the time                                                                                                  Plans that either come to naught or half a page of scribbled lines                                                                                  Hanging on in quiet desperation is the English way                                                                                                          The time is gone, the song is over, thought I'd something more to say”                                                                                

 

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