Les Rendez-vous de Philopop : La peine de mort comme « assassinat public »

29 janvier 2023 à 17h00 - 694 vues
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Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 29 janvier 2023

La peine de mort comme « assassinat public » (Beccaria)

Réfléchir sur la peine de mort à la lumière du Traité des délits et des peines (1764) de C. Beccaria :

« Si je prouve que cette peine n'est ni utile ni nécessaire, j'aurai fait triompher la cause de l'humanité » (§ 28).

Qui est Beccaria ?

De 1791 à 1981 : une brève histoire de l'abolition de la peine de mort en France

La peine de mort dans le monde aujourd'hui

Pourquoi, malgré les progrès de l'abolition, l'abolitionnisme est-il une position fragile ?

Le problème est de nature politique : l'Etat dispose-t-il d'un droit de vie et de mort qui l'autorise à un tuer un homme pour son crime ? Ou la peine de mort est-elle au contraire « un assassinat public » ?

1- Le droit pénal implique-t-il le droit de donner la mort ?

a- Le criminel comme ennemi. Pourquoi le droit de vie et de mort est-il considéré comme un attribut essentiel de la souveraineté ?

b- « La mort-supplice » (2ème chapitre de Surveiller et punir de Michel Foucault, 1975). L'exemple du supplice infligé à Damiens en 1787 pour crime de régicide (1er chapitre).

2- Le droit pénal n'a d'autre fonction que l'utilité commune (Beccaria)

a- L'origine contractuelle du droit pénal (§ 1) : d'une « liberté rendue inutile » (état de nature) au sacrifice d'une part de sa liberté pour jouir du reste de la liberté garantie par les lois (état civil)

b- Les châtiments sont nécessaires pour empêcher « l'esprit despotique » du criminel de « replonger dans l'ancien chaos les lois de la société »

c- Un châtiment n'est juste que s'il est nécessaire (pour défendre l'utilité commune), sinon il est « tyrannique » (§ 2). Sa fonction est préventive (« Le but des peines n'est ni de tourmenter et d' affliger un être sensible, ni de faire qu'un crime déjà commis ne l'ait pas été ».... il est « d'empêcher le coupable de causer de nouveaux dommages et de dissuader les autres d'en commettre de semblables », § 12)

3- La peine de mort est injuste (elle ne peut être un droit) ; elle est inutile (aucune efficacité dissuasive) et elle est même nuisible (criminogène). Lecture du § 28.

a- Elle n'est pas un droit :

  • aucun homme ne peut avoir consenti à confier au souverain le droit de lui ôter la vie (le sacrifice d'une part de sa liberté ne peut comprendre celui « du plus grand de tous les biens » qu'est la vie)-

  • « Sous le règne paisible de la légalité » (dans le cadre d'un Etat de droit), la peine de mort ne peut jamais être un droit. Un citoyen ne peut jamais être une « menace pour la sécurité de la nation ». Il ne peut être un danger que lorsque les lois s'effondrent : dans une guerre civile, on ne punit pas un criminel, on cherche à vaincre un ennemi.

b- La peine de mort est inutile : elle n'a aucune efficacité dissuasive

  • L'histoire montre qu'elle n'a jamais empêché le crime

  • Il n'y a aucune proportionnalité entre la sévérité de la peine et l'efficacité dissuasive : la réclusion à perpétuité est moins sévère pour le coupable que la peine de mort, et plus dissuasive.

c- « La peine de mort est nuisible par l'exemple de la cruauté qu'elle donne »

  • En « ordonnant un assassinat public », l'Etat alimente la violence qu'il prétend empêcher

  • La « répulsion invincible » des hommes à la vue du bourreau, fondée sur la conviction que « leur vie n'est au pouvoir de personne ».

Conclusion : La peine de mort est appliquée surtout aux hommes les plus démunis qui n'ont rien à perdre en commettant des crimes. Elle est le châtiment d'un Etat despotique dont les lois contribuent à « concentrer les avantages de la société sur un petit nombre et à accumuler d'un côté la puissance et le bonheur et de l'autre la faiblesse et la misère » (Introduction et § 28)

Bibliographie :

Traité des délits et des peines (1764) de Beccaria, surtout l'introduction, et les § 1, 2, 12, 28

Contrat social Livre II, chapitre 5 de J. J. Rousseau (1762)

Surveiller et Punir, chapitres 1 et 2, de Michel Foucault (1975)

L'Abolition, Robert Badinter (2000)

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